CHAPITRE XI : LES PROBLEMES ECONOMIQUES DU TOGO INDEPENDANT
Les instruments de mesure de l’économie africaine concernant exclusivement les produits d’exportation et les statistiques douanières, il n’est pas facile de dresser un bilan complet à travers production, transport, commerce et développement industriel.
I- Production
1- L’agriculture constitue bien entendu le facteur essentiel, mais la quasi-totalité du secteur vivrier n’est pas mesurée et pourtant il se crée, en tonnage de mil, d’igname et de manioc, des richesses qui, pour ne pas rapporter des sommes importantes lors des campagnes de produits, n’en constituent pas moins une part fondamentale du revenu national. Ainsi l’augmentation de population des secteurs de forte pression démographique entraîne la mise en valeur des terres vierges des vallées de l’Anié et du Mono par des colons Kabrè d’abord immigrés suivant un plan systématique, ensuite venus spontanément rejoindre des paysans de leur village et de leurs clans.
Dans un pays surpeuplé, la mécanisation n’était pas possible, aussi l’étude scientifique des sols fut-elle entreprise au début de 1949 par une équipe de pédologues menée par le Pr Georges Aubert
Plusieurs de ses assistants, notamment Bernard et Noël Leneuf ainsi que M. Lamouroux, entreprirent dans le cadre des travaux de l’I.R.T. (Institut de Recherche du Togo) une étude méthodique des sols du Togo. Cette analyse permet de conseiller utilement les cultivateurs pour les cycles de cultures.
A- Les cultures vivrières difficiles à évaluer comprennent le manioc (1000 000 de tonnes) surtout dans la région sud-est, l’igname (1 400 000t) dans tout le moyen et le Nord-Togo. Les diverses variétés de mil sont cultivées surtout au Nord (120 000 t), mais aussi dans les montagnes akposso (fonio), le maïs (70 000 t) surtout dans le Sud et le Moyen-Togo, enfin diverses variétés de haricots, lesquels constituent probablement le produit le plus fréquemment exporté sur la tête des travailleurs saisonniers qui se rendent au Ghana. Dans les zones forestières de l’Akposso et de Palimé sont cultivés riz, patates et taro. Il faut signaler l’effort accompli par voie autoritaire pour diffuser toujours plus au Nord igname et manioc afin de garantir les cultivateurs de mil contre les ravages des sauterelles.
L’ensemble des productions vivrières dont l’essentiel est absorbé dans les courants commerciaux intérieurs a été évalué à 30 milliards de francs CFA.
B- Les cultures industrielles correspondent aux produits d’exportation qui sont essentiellement les oléagineux (palmiers à huile, cocotiers, karité, arachides, ricin), les textiles (coton, kapok), les stimulants (café, cacao, tabac).
Les oléagineux qui constituent au XIXème siècle avec la palmeraie l’essentiel des exportations ont cédé le pas aux stimulants.
Les palmistes (10 000 t exportés en 1963) et l’huile de palme (700t) ne représentent qu’une faible partie d’une production largement consommée dans la cuisine locale.
Le coprah (environ 3000tà bénéficie de la fumure apportée par les bœufs des lagunes. A chaque cocotier est attaché un bœuf. C’est ce qu’un humoriste appelait l’élevage à la noix de coco.
Le ricin (5 à 600t) est surtout cultivé dans le Sud-Est.
Les arachides cultivées plus particulièrement dans le Nord-Togo et l’Est-Mono-Nuatja représentent, décortiquées de 2 à 3000 t avec une autoconsommation relativement importante. Ans le Nord, le décorticage, se fait presque partout à la main et, dans le pays surpeuplé, les débris d’arachides sont volontiers absorbés, cependant que les vieillards racontent les histoires du bon vieux temps. Comme les veillées des casseurs de noix pour le folklore bourguignon, le décorticage de l’arachide est un merveilleux prétexte pour transmettre la littérature orale.
Le karité (environ 1000t) fait l’objet de cueillette dans l’extrême Nord, mais une fraction importante est transformée sur place en beurre pour la cuisine ou l’éclairage.
Les textiles comprennent essentiellement le coton et le kapok.
Les Allemands, nous l’avons vu, avant la première guerre mondiale, avaient mis au point une variété de coton, le T.S.I. (Togo Sea Island). Les nécessités de la deuxième guerre mondiale et de ces suites entraînèrent la création de l’I.R.C.T. (Institut de Recherche pour le Coton et les Textiles exotiques). Après avoir inventorié les terres de la plaine du Mono, les responsables de l’I.R.C.T. purent installer une station Correcopé (du nom de son fondateur M. Corre, un ingénieur qui, ayant servi de longues années à Bouaké (Côte d’Ivoire) dans une zone cotonnière, était parfaitement qualifié pour monter cette station expérimentale). Il fut bientôt rejoint par un généticien de renom, M. Raingeard, qui réussit à mettre au point la variété de coton appelée Mono, permettant avec la même quantité de semences d’obtenir une récolte beaucoup plus importante. La distribution de ces graines sélectionnées fut effectuée par la C.F.D.T. (Compagnie française de Diffusion des Textiles exotiques) grâce à l’action d’un jeune et dynamique ingénieur agricole, M. Bernard Nicolas.
Le coton est généralement cultivé en association avec l’igname. Ainsi le cultivateur des plaines du Mono et de l’Anié récolte d’abord l’igname, puis le coton (100, 150 kg à l’hectare), qui lui apporte un peu d’argent frais pour l’impôt ou les achats de pagnes et de bicyclettes. La commercialisation varie suivant les années de 6000 à 9000 t.
Le kapok est, pourrait-on dire, un produit de bord de route. Plantés sur l’ordre de l’administration le long des routes, leur produit était collecté au bénéfice des chefs coutumiers. Limité au nord, le kapok est un produit très cher à transporter en raison de son volume et des risques d’incendie. Par ailleurs, compte tenu de son prix élevé en Europe (prix que les Togolais peuvent consulter dans le catalogue largement répandu de la manufacture d’armes et cycles de Saint-Etienne), le prix d’achat au producteur était scandaleusement bas, aussi fréquemment le kapok n’est-il même pas récolté, d’où une exportation de 150, 200, 300 t suivant les années.
Les stimulants constituent de loin les produits d’exportation les plus intéressants parce que les plus chers. Malheureusement, seules les terres riches de Palimé et de l’Akposso, avec quelques galeries forestières de l’Akébou et de l’Adélé, peuvent être utilisées pour ces cultures, encore que, depuis une quinzaine d’années, l’arrière-pays d’Anécho ait vu se développer les plantations de café.
Il s’exporte 10 à 12 000 t de café, 6 à 7000 t de cacao qui correspondent à la production locale, une partie relativement importante venant du Ghana frontalier lorsque les prix sont meilleurs au Togo.
Le Tabac, malgré les immenses possibilités, n’est guère cultivé que sur le petit carré de détritus qui donne près des cases un jardin d’une exceptionnelle fertilité.
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